Après avoir dévoré avec ravissement et délectation La Jeune fille à la Perle, il me tardait de lire un autre roman de cet auteur américain. La découverte fut ici auditive.
1850. Honor est une Amie, entendez par là, une Quaker, une membre de l’Eglise protestante fondée au XVIIème siècle, en Angleterre. Honor accompagne sa sœur Grace aux Etats-Unis. C’est par la voie maritime (bien sûr, au début du XIXème siècle…) que les deux jeunes femmes rejoignent leur destination. Pour Grace, un mari l’attend, pour Honor, c’est un peu plus compliqué, c’est un ancien fiancé qui l’a quittée qu’elle fuit. La traversée de l’Atlantique dure un mois durant lequel Honor est constamment malade ce qui l’amène à penser que jamais plus elle ne reverra sa chère Angleterre. Les désillusions s’accroissent puisqu’une fois sur le sol américain, Grace décède en quelques semaines de la fièvre jaune. Voilà Honor, seule, livrée à elle-même, se dirigeant péniblement vers le promis de sa sœur, Adam.
Sur son chemin, Bell, une modiste au caractère bien affirmé, l’héberge et l’embauche quelque temps. Il faut dire qu’Honor coud avec une rapidité et un talent extraordinaires et elle sait parfaitement créer de très beaux quilts (des couvertures patchworks très prisées à l’époque). Dans la maison d’Adam, le fiancé de sa sœur, dans l’Ohio, elle sent bien qu’elle n’est pas la bienvenue et qu’elle n’a plus aucune légitimité à y séjourner. C’est pour cela que, quand un voisin fermier, Jack Haymaker, la demande en mariage, elle accepte tout de suite. Sa nouvelle vie dans sa belle-famille ne lui convient pas, Honor ne se sent pas à sa place et surtout, il y a l’esclavagisme et ce gouffre entre les principes des Haymaker (ne pas aider un esclave en fuite) et les siens qui voudraient qu’elle nourrisse, cache, héberge toute personne en difficulté.
Comme pour La Jeune fille à la Perle, on sent que l’auteur se prend de passion pour l’Histoire et maîtrise parfaitement son sujet. Ici, elle nous emmène dans les contrées vastes et rudes de l’Ohio à une époque où les Noirs fuient l’esclavage, où le métier de « chasseur d’esclaves » existe, à une époque aussi où une femme qui n’est pas battue peut s’estimer heureuse. Et Honor va s’affirmer, à sa manière, elle va se murer dans le silence avant de fuir, comme le titre l’indique, pour manifester ses opinions. Elle va aussi à se mettre à aimer ce pays, son maïs et ses lucioles ! Le féminisme, la solitude, le combat d’Honor sont touchants et le contexte en fait un livre bien intéressant. Encore une fois, Tracy Chevalier brosse des portraits d’une remarquable subtilité, des femmes qui semblent partagées entre révolte et soumission. Deux lecteurs ici, Benjamin Jungers qui fait le narrateur et Sarah Stern lit les lettres qu’Honor envoie à famille et amis restés en Angleterre.