- Une jeunesse au Moyen-Orient (1984-1985) –
Si l’auteur nous a bringuebalés dans différents lieux dans le tome 1, ici, on reste en Syrie presque tout le long du tome. Riad Sattouf s’est cantonné à une année, celle de ses six-sept ans pour la simple raison que c’est l’année de son entrée à l’école, c’est l’année où il dessine de plus en plus et de mieux en mieux, c’est l’année où il commence à lire en arabe puis en français.
Comme pour le premier tome, le lecteur tombe de haut en découvrant cette vie hors du commun pour nous : la maîtresse porte un hijab mais a toujours des jupes courtes et moulantes, la vie à la maison est toujours si peu confortable malgré le titre « docteur d’Université» du père (coupures d’électricité qui durent tous les jours 4 à 5h, repas très peu variés, absence de lave-linge, …), la violence permanente qui environne ce petit garçon : la chasse aux moineaux avec son père qui force son fils à les manger ; le tabassage des élèves par maître et maîtresse d’école ; la mise à mort d’une cousine parce qu’elle était enceinte hors mariage (Leïla a été étouffée avec un coussin par deux hommes de sa famille !!!) ; à la télé des soldates qui mangent un serpent vivant devant Assad pour lui prouver qu’elles n’ont peur de rien. Au milieu de tout ça, le petit Riad a souvent peur mais sa candeur et son innocence lui permettent de grandir et de traverser ces événements tant bien que mal. Comme pour le tome précédent, le père menteur et radin est empli de contradictions et donne d’ailleurs l’impression que tout son pays, sa culture, sa religion reposent sur des paradoxes. On entend toujours aussi peu une mère veule et plutôt matérialiste. Une escapade en France montre à quel point la société de consommation et les hypermarchés la fascinent. La fin du livre renforce l’image malhonnête de la Syrie et de ses habitants : celui qui a tué la pauvre Leïla a vu sa peine de prison largement diminuée et le père de Riad annonce, fièrement en plus, que le grand projet de construction d’une sublimissime villa est repoussé à l’année suivante. Un monde où valeurs et principes pataugent dans le plus grand flou… et on se demande comment Riad Sattouf a pu devenir celui qu’il est aujourd’hui. Réponse, peut-être au prochain numéro.
J’ai, encore une fois, beaucoup apprécié cette lecture passionnante et intéressante. C’est finalement la subtilité et l’absence de manichéisme qui font toute la richesse de cette série. De petits moments tendres rehaussent la cruauté de certains passages : quand Riad découvre l’alphabet arabe, quand il cueille pour sa maman ce coquelicot perdu au milieu d’un désert de pierres…
« Mon père était docteur d’Université et pourtant, il n’y avait pas un seul livre à la maison, à part le Coran et mes Tintins. Depuis toujours, je les lisais en ne regardant que les dessins. Puis un jour, ces signes ont commencé à prendre sens ! […] c’est pas du tout l’histoire que j’avais imaginée ! Ce que je découvrais était infiniment mieux raconté. Je me mis à lire frénétiquement. »
« 19/20 »