J’avais lu, sur différents blogs, que ce court roman prenait aux tripes… ce n’est pas peu dire.
Diana est une petite fille qui n’a pas été désirée. D’ailleurs, sa mère a choisi l’accouchement sous x avant de se rétracter et de garder sa fille. Mais de lien filial, il n’y en a point, la petite est maltraitée et battue dès son plus jeune âge, par son père et par sa mère, qui auront pourtant d’autres enfants. L’entourage proche et moins proche suspecte bien quelque chose, la fillette a de nombreux bleus, ses yeux sont gonflés, elle boîte… mais les parents pleins d’aplomb et toujours sûrs d’eux affirment qu’elle est « maladroite ». Diana confirme, elle a désobéi, elle a enfreint le règlement, elle n’a pas fait attention, d’où ces nombreux accidents.
La force de ce roman réside en sa polyphonie : tantôt c’est la grand-mère qui nous parle exprimant le désamour de sa fille pour Diana, tantôt c’est la maîtresse d’école qui ne sait si elle doit faire un signalement, tantôt c’est le frère qui comprend tout mais ne révèle rien… Tous « savent » consciemment ou inconsciemment et pourtant, personne n’agit concrètement, ou alors bien trop tard. Les seules voix absentes sont celles de ces bourreaux de parents.
Bien sûr que ce texte qui se lit d’une traite touche le lecteur au plus profond de lui-même, on ne peut le lire que la gorge nouée, mais il éveille aussi sa vigilance, il demande, surtout en tant qu’adulte, encore plus en tant qu’enseignant, d’être sur ses gardes, de rester aux aguets, d’épier toute forme de maltraitance. Ce qui m’a le plus bouleversée, c’est le lavage de cerveau qu’a subi cette petite fille incapable de faire confiance à qui que ce soit, incapable de dire qu’elle souffre ; disciple parfaite de ses parents, elle connaît bien sa leçon : « Je me suis cognée », « Je suis tombée », « Je suis très maladroite ». L’administration, les services sociaux semblent bien ralentis dans cette sombre histoire qui est le miroir de celle de Marina Sabatier décédée en 2009 sous les coups et les maltraitances de ses parents. Belle réussite que ce premier roman où Alexandre Seurat a su faire preuve de simplicité, de sobriété et de délicatesse.
La médecin scolaire - qu’on a franchement envie de baffer – en conversation avec le père de Diana : « un homme très courtois, cordial, qui répondait à mes questions sans embarras, sans rien de quelqu’un qui pourrait se sentir en faute, mais à l’aise, sûr de lui, et attentif à la petite. Le carnet médical de la petite s’était perdu, a-t-il précisé. Elle était là, souriante, elle m’a semblé légèrement émotive, peut-être le fait de voir un médecin, inquiète. […] Il était difficile, m’a-t-il dit, de la surveiller tout le temps. Et la petite a ri d’un rire aigu. J’avais l’impression qu’elle ne comprenait pas très bien ce qui se disait. Le père a dit, Ce n’est pas tous les jours facile, mais vous savez, c’est beaucoup de bonheur. »