Après la belle lecture-écoute du Collier rouge, vous pensez bien que j’avais envie de continuer à lire du Rufin !
Catherine est une solitaire de 46 ans. Travailleuse infatigable, célibataire, sans enfants et sans passion véritable, c’est presque par hasard qu’elle se rend au Brésil, à Recife. Elle a répondu à l’invitation d’un couple d’amis. Après quelques jours de molle adaptation à un univers oisif et moite, elle se fait séduire par Gilberto surnommé Gil, un indigène très jeune, beau et musclé. Très rapidement, ils couchent ensemble. La différence d’âge et de classe sociale ne laisse que peu de doutes à Catherine, c’est un gigolo. Et effectivement, il se laisse couvrir de cadeaux et inviter au restaurant. Ça ne pose de problème ni à l’un, ni à l’autre puisque chacun y trouve son compte. Oui, mais à quelques jours de son retour en France, Catherine se rend compte qu’elle s’est attachée terriblement à Gil, même s’il papillonne à droite à gauche, même s’il couche aussi bien avec les femmes qu’avec les hommes, même s’il est issu d’une de ces sordides favelas, même s’il vit dans l’illégalité la plus complète. Pire, elle décide de tout plaquer en France, de s’installer au Brésil, et pour être sûre que Gil soit près d’elle, de lui donner une énorme somme d’argent pour qu’il puisse s’acheter le bar de ses rêves.
C’est alors que débute la seconde partie du roman et avec elle, la descente aux enfers. Catherine, une fois établie au Brésil, est de plus en plus dépendante de Gil, elle obéit à ses souhaits, ne désire que lui plaire et le satisfaire, se laisse ruiner. Ses amis à lui, vulgaires, méchants et sots, occupent une place grandissante, extorquent les derniers sous de Catherine. Cette histoire de soumission se finira mal, dans la violence et le feu, c’était écrit d’avance. Et c’est justement dans une atmosphère de tragédie grecque, sous un soleil aussi impitoyable que le destin de l’anti-héroïne, que nous plonge Rufin. Son style fluide et efficace m’a énormément plu (dans le magazine Lire, il dit corriger très peu et écrire "tout d'un jet" !!!) et, même si on a envie de mettre des baffes à cette Catherine, Rufin nous fait une belle démonstration des dérives de l’amour et de sa cohabitation avec la mort. C’est d’autant plus troublant que ça se passe dans un des plus beaux endroits au monde.
Une superbe lecture qui m’a passionnée de bout en bout, que j’ai même préférée à celle du Collier rouge.
« Le voyage rêvé est image ; le voyage vécu est sensation. »
« Et naturellement, tous étaient dévêtus ou presque. Tant de fesses, tant de seins, tant de cuisses, tant de sexes qui imprimaient leur empreinte à si peu d’étoffe affolaient la vue, aux yeux de Catherine, ces gens étaient nus, indiscutablement nus. Ils ne portaient leurs maillots que comme la précieuse monture des joyaux de chair qu’ils entendaient mettre en valeur. Le tissu ne cachait rien, il désignait. »
« Catherine se méprisait d’avoir tenu jadis tous ces propos ineptes sur l’indépendance quand pour elle aujourd’hui la liberté véritable c‘était au contraire de dépendre de la satisfaction de Gil.»