7 janvier 2015. Attentat meurtrier au siège du journal de Charlie Hebdo. Luz, un des dessinateurs de la bande, arrive en retard, peut-être parce que c’est le jour de son anniversaire, peut-être parce que son épouse le garde au lit un peu plus longtemps. Il manque l’attentat de peu, c’est même lui qui est un des premiers à prévenir l’extérieur.
Comment écrire et dessiner après cela ? Est-ce seulement possible ? « Un jour, le dessin m’a quitté. Le même jour qu’une poignée d’amis chers. A la seule différence qu’il est revenu, lui. » Cette quatrième de couverture donne le ton. Le dessin revient mais il est violent, agressif, hachuré, sombre, à l’image de ce qui se passe dans la tête du dessinateur.
Luz tente de raconter « l’après », la perte de ses potes, la surveillance rapprochée, le soutien sans faille de sa compagne, le soutien parfois maladroit des anonymes (tous ces crayons de bois l’agacent), le sang qu’il voit partout, sa conversation avec les morts, la boule au ventre qu’il personnifie comme un monstre ne le quittant plus, … D’emblée c’est le côté brut de décoffrage qui choque, bouscule. Le titre est clair, Luz avait besoin de s’exprimer et même si ça passe par des gribouillis, des taches rouges, des dessins de lui et sa compagne à poil, c’est livré, c’est envoyé, c’est vomi.
Bouleversée par ce livre qui semble faire polémique (il faut dire que l’auteur y étale tout : sa vie perso, son cul, sa merde, pour parler aussi crûment que lui !), il me semble cependant nécessaire. Nécessaire à la lutte contre l’oubli parce qu’il faut bien avouer que si cette tragédie a su créer des liens, a soudé les Français, a donné un élan d’espoir, de cohésion, de solidarité et tout le toutim, on l’a bien vite oubliée. Bien sûr que Luz, premier concerné, ne peut oublier. Pour répondre à Mo’ qui parle de cette BD mieux que moi, oui, moi aussi j’ai ressenti un malaise à cette lecture impudique mais ma théorie dit qu’après un drame, on a tous les droits, ou presque. Ce n’est pas pour le lecteur que je m’inquiète mais pour le dessinateur…
Yaneck ne nous livre plus son classement mensuel des BD (hélas ! …. Merci à lui pour toutes ces années !) mais j’ai envie de continuer à noter mes lectures. Et je suis d’ailleurs bien embêtée pour cette BD-là qui n’en est pas vraiment une…
18/20