Après le choc de Sukkwan Island, je m’étais sérieusement interrogée sur mon avenir avec ce David Vann qui sait faire parler de lui. Ma décision est prise : je vais continuer à le lire !
En Alaska, Irene et Gary sont un couple vieillissant dans tous les sens du terme. Ils se disputent, ils ont du mal à se supporter et pourtant, en bonne épouse, Irène va suivre son mari dans son nouveau projet : construire une petite cabane sur un îlot isolé et privé de vie humaine (avec un nom qui se suffit à lui-même : « Caribou Island »). Gary est maladroit, incompétent, râleur et têtu, Irene le lui reproche assez mais des maux de tête insupportables créent une tension encore plus forte dans le couple. D’autant plus qu’aucun médecin ne trouve ni cause ni explication aux douleurs lancinantes et perpétuelles d’Irene. Rajoutez à cela des conditions climatiques désastreuses, c’est la fin de l’hiver et ses impressionnantes tempêtes et vous obtenez deux êtres qui ne se supportent plus.
Du côté de leur fille Rhoda, ça ne va guère mieux. Elle attend patiemment que son dentiste de compagnon la demande en mariage mais sent bien qu’elle devrait plutôt le quitter. Si elle allait jusqu’au bout de son intuition, elle se rendrait compte qu’elle a raison, Rhoda, car Jim la trompe effrontément avec la première jeunette qui passe.
L’atmosphère lourde et tragique est à l’image de l’environnement hostile, froid et austère. Vann adore isoler ses personnages, les confronter à une solitude physique qui permet de mettre en lumière leur solitude mentale. Comme si on en avait encore besoin, il nous prouve que la nature ne nous est d’aucun réconfort, pire, qu’aucun être humain ne nous comprendra jamais. J’ai adoré. J’aime quand on est à trois mille lieues des bons sentiments, quand ça racle, ça vente, ça bouscule, ça met en éveil, ça glace. Plus subtil que Sukkwan Island et bien meilleur d’après moi…
« Le mariage n’était qu’une autre forme de solitude. »
« L’eau bien plus qu’un simple moyen d’expression, bien plus qu’une vague temporaire. Elle semblait abrasive contre sa peau. Elle prenait corps, elle avait un impact. C’était douloureux de rester ainsi malgré l’engourdissement. C’est ce qui le poussa à ramper jusqu’à la rive, enfin. Il ne tenait plus sur ses jambes. Les rochers lui blessaient les genoux, même à travers le jean. Il rampa hors des vagues, sur la plage, à travers les touffes d’herbe pointue et rugueuse, et à tâtons retrouva sa chemise, son pull et son ciré. »