Kayo est une femme japonaise qu’on suit pendant quelques années. D’abord étudiante, elle se retrouve vite mariée à Ryu. Comme de nombreuses femmes mariées, elle ne travaille pas, passe ses journées seule à la maison avec un bébé puis un deuxième. Et elle s’ennuie, regardant avec envie les autres mères plus élégantes qu’elle, « juchées sur d’invraisemblables talons hauts, elles arpentaient l’avenue, leurs nourrissons dans des McLaren dernier modèle, leurs lunettes de soleil haute couture délicatement perchées sur le bout de leur petit nez. » Son premier achat pour sortir de la morosité est un sac Vuitton. Mais ce sont ses retrouvailles avec son amie d’enfance, Tomoko, qui vont changer la vie de notre héroïne. Très belle et toujours extrêmement bien habillée, Tomoko emmène Kayo dans les plus belles boutiques de marque. Kayo y prend goût au point de cacher l’argent que sa mère lui donne à son mari et d’ouvrir un compte à elle. Elle découvrira surtout l’univers secret et fascinant des ventes privées.
C’est l’engrenage. Kayo achète des vêtements, des chaussures, des sacs à des prix exorbitants et bientôt, elle se retrouve endettée. Un usurier lui permet momentanément de sortir la tête de l’eau et elle promet de ne plus rien acheter mais la tentation est trop forte, un dîner mondain avec des mères de famille aura raison d’elle, elle va s’acheter le plus beau kimono de la ville : « Le rouge de l’obi donnait au bleu du kimono l’éclat étincelant d’une eau profonde. La soie bleu foncé mettait en valeur la forme de ma poitrine, tout en la faisant paraître moins forte et plus élégante. » Combien payer ses achats ? Il y a un moyen très simple et qui rapporte beaucoup : Kayo va se donner à des hommes riches qui apprécient sa grosse poitrine. C’est son mari qui va tenter de la sortir de là, l’isolant quelques mois à la campagne, dans un temple bouddhiste. Certes, Kayo va se mettre à réfléchir, à se centrer sur elle-même loin des préoccupations vestimentaires et superficielles, à observer et apprécier la nature qui l’entoure mais ce revirement ne sera pas définitif…
Ce roman a, quand en commence la lecture, des apparences bien légères, à l’image des desiderata de l’héroïne. Pourtant l’auteur conduit habilement son récit, nous emmenant dans ce Japon oscillant entre tradition et modernité et ouvrant une intéressante réflexion sur le shopping compulsif mais encore plus largement sur l’addiction et le pouvoir de l’argent. Tantôt, on s’identifie au personnage principal, tantôt on la prend en pitié en la critiquant vertement (mon dieu, elle n’a aucun autre centre d’intérêt que les fringues !!!). La fin est une belle réussite et j’ai passé un excellent moment de lecture avec ce roman fascinant et tellement surprenant ! Surprenant aussi de savoir que l'auteur est une Indienne qui a passé plusieurs années à Tokyo.
Chers messieurs, n’imaginez surtout pas que dans toutes les femmes sommeille une Kayo !
« Les vêtements représentent le seul vrai pouvoir que nous autres femmes détenons en ce monde. »
Les sensations éprouvées lors d’une vente privée : « Elle commence comme un léger chatouillement dans les orteils, comme de petites bulles envahissant chaque cellule du corps. Mais ce n’est que le début. Une fois le joyeux pétillement retombé, une concentration silencieuse s’empare de l’esprit, tandis que commence la chasse. »
« Les enfants sont pour une femme des parcelles de son cœur placées dans des corps différents et rendues à la liberté. »