Cette longue nouvelle -ou ce court roman- tente de répondre à cette question : peut-on aimer de la même manière une personne perdue de vue depuis des années ?
Louis est un jeune homme pauvre qui a toujours tenté de gravir les échelons grâce à son intelligence et sa volonté. Lorsqu’il entre dans la maison du richissime et célèbre conseiller G., directeur d’une grande usine de Francfort, en tant que secrétaire personnel du patron, il est partagé : ravi de prendre du galon, il rechigne cependant à vivre dans un luxe qui n’est pas le sien. C’est l’épouse du conseiller, le mettant vite à l’aise, qui parviendra à le faire sentir chez lui. Les mois passent et c’est seulement parce que Louis est envoyé par son patron au Mexique pendant deux ans que la maîtresse de maison et Louis s’avouent enfin leur amour et leur immense chagrin de se voir séparer. Louis se jette dans le travail, son amante qui lui a promis de se donner à lui à son retour lui écrit. La guerre 14-18 va retarder les retrouvailles qui n’auront lieu que neuf ans après le départ du jeune homme. Les deux personnages ont vieilli, leurs sentiments se sont émoussés et, malgré quelques heureux souvenirs qui les rapprochent, la passion de naguère s’est affaiblie au point de gêner le couple.
Zweig sait si bien décrire les émotions, cette « confusion des sentiments » qu’on ne se lasse pas. L’écriture est un bijou ciselé avec talent. J’ai retrouvé le même esprit que celui de Lettre d’une inconnue, l’amour là aussi n’est sublimé que dans le rêve. La réalité est bien plus fade… puisse Zweig s’être trompé !